Le moulin de Daudet au fil du temps

« Ce sont les lapins qui ont été étonnés !… Depuis si longtemps qu’ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d’opérations stratégiques : le moulin de Jemmapes des lapins… »

Ainsi commence Installation le premier conte d’Alphonse Daudet dans Les Lettres de mon moulin en 1869.

C’est ce même moulin de Daudet que je découvrirai du haut de mes dix ans, lors d’une sortie de l’école primaire, ou plus tard du collège, en tout cas au départ de Marseille, le pays de Pagnol.
De cette sortie en Provence, il reste un souvenir magnifique. De ces souvenirs que l’on retrouve avec étonnement au fond d’un cabanon de la maison familiale, sur une étagère poussiéreuse. Il est là, aquarelle simpliste, en format 24x32 sur un papier cartonné et où il est écrit au crayon papier et lettres majuscules Fontvieille. Le Moulin de Daudet.
Déjà, il y a quelques dix, dans Une balade au moulin de Daudet son souvenir hantait ma mémoire et regrettait de l’avoir laissé filé au fil du temps et des déménagements destructeurs des souvenirs précieux de l’enfance.

Aquarelle du Moulin de Daudet

Aquarelle du Moulin de Daudet et de son cyprès, compagnon fidèle

C’est ce moulin là que j’irais chercher à la force du mollet dans les plaines de la Crau et avant la chaine des Alpilles où je sais qu’il dort, les ailes sous le vent, le cyprès comme compagnon d’une vie.

Le moulin de Daudet à vélo

Visite au moulin lors du Tour de France Randonneur en 2021

Extrait de Tour de France Esprit randonneur
De l’autre côté du Rhône se situent Tarascon et son château de l’an 1 400. L’édifice carré est encadré de tours rondes, mais il m’intéresse peu. Je poursuis ma route et, dès la sortie de la cité, l’énergie répond pour taquiner le 30 km/h. Dans les alentours, un village de Provence bat le cœur de l’enfance.
Il est haut, domine les collines, les arbres environnants et, sous tous les vents, enchante la Provence, celle des bergers, celle des meuniers, celle des écrivains. Il a de larges ailes que le temps a figées. Son âme est de pierres, son cœur est tendre, charpenté de bois et souvent empli du rire des enfants aux yeux ébahis. Sa girouette, la silhouette d’un taureau de Camargue, vire avec le mistral et ses variantes. Un cyprès, immortel, trône tel un symbole élevé vers le ciel. Une large meule de pierre, appuyée contre le moulin, témoigne de sa noble activité d’antan : moudre le blé des champs alentour afin de le transformer en or provençal. Je m’approche du site, un grand silence enveloppe la colline, le temps s’arrête. Doux délices que ce moment particulier.
— « Ô mon païs, ô ma Provence. »
Les Alpilles sont des montagnes pleines de charme et l’itinéraire choisi les longe pour rapidement arriver à Grans. L’option touristique du Tour de France Randonneur, avec ses détours et son délai conséquent, gagne à aller découvrir les beaux sites qui élèvent les Alpilles et le Luberon au rang de trésor pour les cyclistes et les randonneurs. Les Baux-de-Provence et son château, Gordes et son village des Bories, Lourmarin et ses ponts à coquille en sont des lieux emblématiques.

Une représentation de ce moulin illustre la couverture du livre sur ce tour de la France à vélo (lien vers Amazon) qui a été publié à la suite de mon périple hexagonal.

C’est encore à vélo, dans un périple entre le Pays basque et la Provence que mon parcours, par mes soins préparés, passe curieusement au pied du moulin. La liberté fait bien les choses et c’est encore au petit matin, bien après le réveil des lapins, que je découvrirai ces ailes sous le vent au sommet de la colline, ce moulin éternel de Provence, ce cyprès droit et solide comme l’amitié.

Le moulin de Daudet en 2024

Le moulin de Daudet dans un ciel bleu Provence en 2024

Il est étonnant d’admirer ces photos prises lors du Tour de France randonneur, où lors de ce périple vers le Verdon ainsi que cette représentation d’il y a quarante ans. L’illusion est parfaite, dans les souvenirs, le temps file sans laisser de traces.